L'histoire de la peinture s'est longtemps confondue avec celle des sujets et de la manière de les traiter.

De tout temps, les artistes ont exprimé dans la matière même de leurs toiles le sentiment de la complexité du réel. A regarder à la loupe, on pénètre chez eux dans un univers totalement étranger au sujet, et qui par sa valeur insolite éveille la réflexion.

Serait-ce déjà une sorte de vision de la réalité moléculaire de la matière et des mouvements qui y règnent ?

Consciente ? peut-être pas, mais vécue confusément, voire pressentie, sans doute !

Depuis Démocrite, puis Epicure, la structure moléculaire et son dynamisme furent conçus comme des évidences scientifiques. Il n'est donc pas étonnant que les artistes notamment depuis la Renaissance aient pu y penser. Vinci ne voyait-il pas dans la matière des murs des formes qui l'inspiraient ?

Matthias Grünewald par exemple, Jérôme Bosch utilisent de curieux fonds dans leurs toiles. Certains espaces de leurs tableaux, agrandis par la technique photographique, proposeraient à nos yeux étonnés des univers qui n'auraient rien à envier à nos contemporains.

Il en serait de même chez la plupart des romantiques, tels Géricault ou Delacroix dont les fonds, par le coup de pinceau et la couleur, révèlent un caractère. Que dire, à l'évidence, des impressionnistes où l'univers éclaté en taches de lumière colorée s'affranchit progressivement de la tutelle du sujet pour lui substituer un choc visuel chargé d'émotion et de spiritualité. Ainsi des Nymphéas de Monet, ou des Coquelicots de Renoir ; avec ces touches picturales, c'est un sorte de panthéisme atomisé qui se respire dans le détail comme dans l'ensemble.

Chez Van Gogh, chaque coup de pinceau affirme une vision du monde et un tempérament passionné d'artiste dont la rapidité de touche ne parvient pourtant pas à cerner la fugacité et la puissance des sensations. L'essentiel de Van Gogh est peut-être là dans cette quête folle du détail déjà enfui plus que dans les sujets par ailleurs solaires.

Ainsi chaque peintre du passé a pu exprimer ou nier la réalité insaisissable de l'univers sensoriel. Mais ces éléments, ces détails perçus par un oeil exigeant quand le glacis ne vient pas les abolir, n'excluaient nullement, bien au contraire, la permanence du sujet. Le sens de l'oeuvre dominait. Le non-sens se révélait au chercheur. L'art contemporain a renversé à 180° cette conception. Aujourd'hui on érige le non-sens en principe directeur et le sens devient conjoncturel, voire occasionnel ou totalement absent.

Géométries décoratives chez Mondrian, Herbin, Delaunay ou Kandinsky, traînées lumineuses chez Duchamp ou Larionov, calligrammes mystérieux de Hans Hartung, taches de Manessier, giclures de Mathieu, voire dégoulinures, mixtures, collages de papier, de sable, ... de plumes et de tissus, l'art contemporain se permet tout et n'importe quoi. Admirable liberté apparente qui aboutit à son contraire puisque la liberté se définit par la signification. Bien sûr la prolifération des découvertes atomiques peut justifier les toiles de Pollock, et l'étude des tissus animaux ou végétaux, le curieux regard de Joan Mirô, mais la perception répétée de ces oeuvres, une fois l'effet de surprise écoulé, lasse un esprit exigeant. L'esprit, et c'est logique, ne peut vivre longtemps de la contemplation du confus, du creux ou du froid, du non-sens, fût-il décoratif, voire de l'absurde.

Ainsi la prétendue révolution picturale construit-elle son tombeau en oubliant que sans bases, tout édifice s'effondre. Les acquis positifs de l'époque contemporaine permettent de revenir à une peinture dont le sens ne soit pas banni. Un jour viendra où l'aventure picturale du XXe siècle prendra sa place nécessaire de "rupture", de recherche d'un nouveau souffle qui s'est perdu lui-même lorsqu'il érigea ses tentatives et ses essais en règles d'art.

Fort heureusement, la complexité règne et l'art explose à l'échelle universelle, enrichi de mille découvertes scientifiques et fécondé par les échanges internationaux. Le nombre des artistes croît en exponentielle (mais non pas celui des génies !!). La prolifération des oeuvres laisse souvent surpris, voire désappointé, l'amateur éclairé qui ne sait à quel courant se vouer !... C'est là, question de choix personnel, mais on peut aujourd'hui affirmer que l'oeuvre figurative rajeunie par les tentatives des iconoclastes est assez variée pour satisfaire des esprits difficiles.

Chacun choisira son auteur.

Ici, il est question de Guy Cambier qui demeura envers et contre tous fidèle à une éthique de l'art qui n'a plus cours. Il fait partie de ceux qui ne renient pas leurs maîtres : Rembrandt, Corot notamment. Il continue la tradition du chevalet, le soin des glacis, la qualité de la composition, la propreté de la matière. Il est, avec sa sensibilité personnelle, l'expression d'un passé toujours vivant mais rénové, rajeuni en quelque sorte.

Cela se perçoit lorsqu'on examine dans le détail ses oeuvres les plus structurées : natures mortes, paysages ou portraits. Ici et là, les touches s'organisent en ensembles abstraits rehaussés par la fermeté des tons et le sens inné des valeurs. Et depuis des années, apparaissent des aplats vifs qui constituent des fonds lumineux où la complémentarité des couleurs avec les sujets traités accentue leur présence. Par un curieux détour, les recherches des fauves, des abstraits ou tachistes trouvent ici un domaine où leur utilisation rajeunit le sujet peint.

Et comme le jeu est permis à tous, Guy Cambier crée dans son atelier des toiles-jeux, sortes d'évasions de ses sujets préférés. Décors nouveaux dont la matière toujours soignée surprendra ceux qui pensent sans raison que l'art moderne se définissait souvent par l'à-peu-près.

Ici l'héritage de décennies d'efforts et de maîtrise aboutit à un travail équilibré, soigné, qui ravit l'œil et l'esprit. Et par quelque magie propre à son art, Guy Cambier, dans les détails de son oeuvre ou les jeux qu'il a choisis, atteint bien plus que ce qu'il montre. Il s'y révèle cette approche d'un au-delà caractéristique de toute son oeuvre. L'esprit au cœur de la matière. Et cela ferait bien plaisir aux penseurs hindous pour lesquels l'âme est involuée dans la molécule, comme aux alchimistes médiévaux pour qui le macrocosme est toujours présent dans le microcosme lui-même.

Disons plus simplement qu'une oeuvre riche se lit de mille façons et qu'ensemble ou détails nourrissent la pensée de qui regarde en cherchant.

Tel est le cas des toiles de Guy Cambier.

Francis LEGRAND


Vous êtes sur le site de Guy Cambier.
www.guy-cambier.com


Francis LEGRAND
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